Nancy et la famille Gallé (1906-1914)
Alors que ces travaux paraissaient consacrer sa vocation d'archéologue classique, Paul Perdrizet délaisse temporairement le domaine de l'Antiquité pour celui des études médiévales : à la surprise générale, il choisit pour sujets de thèses un thème d'iconographie chrétienne, la Vierge de Miséricorde ou Vierge au manteau (sa grande thèse) et le commentaire d'un texte médiéval, Étude sur le Speculum Humanae Salvationis (sa petite thèse) dont il donne aussi une réédition en collaboration avec le pasteur mulhousien Jules Lutz. Le médiéviste néophyte ne met que trois ans pour achever ces travaux, soutenus le 20 mai 1908 en Sorbonne devant un jury présidé par Émile Mâle, dont il est le tout premier doctorant.
Dès l'année suivante, Paul Perdrizet obtient la transformation de la chaire d'histoire ancienne de la faculté des lettres de Nancy, restée vacante depuis le départ de Charles Diehl à Paris, en chaire d'archéologie et d'histoire de l'art, la première dans l'histoire de la faculté : il en devient évidemment le titulaire. Il fait partie désormais des figures de premier plan de la bourgeoisie et du milieu universitaire nancéiens, comme le souligne son activité au sein de la Société d'archéologie lorraine et du musée historique lorrain ainsi que de l'Académie de Stanislas. Son ancrage nancéien s'est en effet renforcé par son mariage le 14 août 1906 avec Lucile Gallé, la seconde des quatre filles d'Émile Gallé, le maître verrier nancéien décédé prématurément en septembre 1904. Seul des trois gendres Gallé à habiter à Nancy — le jeune couple occupe même le deuxième étage de la résidence Gallé — Paul Perdrizet joue progressivement un rôle croissant de conseiller auprès de sa belle-mère, Henriette Gallé (née Grimm), qui a choisi de maintenir l'activité de la prestigieuse fabrique familiale.
Paul Perdrizet n'en délaisse pas pour autant son premier domaine des études antiques : une communication sur ses recherches en Macédoine, donnée au congrès international de Berlin en 1908, impressionne suffisamment U. von Willamowitz et Hiller von Gaertringen, les responsables du corpus des inscriptions grecques, pour qu'ils décident de lui confier le volume correspondant. La dégradation rapide de la situation politique et la succession des conflits dans les Balkans empêchent ce projet d'aller à son terme, malgré plusieurs tentatives pour le relancer, jusqu'en 1914. Faute de pouvoir retourner en Macédoine, Paul Perdrizet doit se contenter de publier à Nancy en 1910 ses Cultes et mythes du Pangée où il explore l'hypothèse d'une religion à mystères dionysiaque d'origine thrace : cette étude marque son retour dans les études classiques.