Archives  Perdrizet

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À propos

La redécouverte des archives Perdrizet

 

L’université de Lorraine possède sur son site de Nancy un riche patrimoine écrit et mobilier hérité en particulier de la période 1872-1918, lorsque, en raison de l’annexion de Strasbourg, les facultés nancéiennes constituèrent la principale université de l’Est de la France et bénéficièrent de moyens importants pour se développer. La faculté des Lettres vit ainsi se créer dans les premières années du XXe siècle un enseignement d’archéologie et d’histoire de l’art confié à Paul Perdrizet, nommé maître de conférences de littérature grecque en 1899, en remplacement de son camarade de l’École française d’Athènes, Louis Couve, gravement malade 1 . Paul Perdrizet, qui ne resta en poste à l’université de Nancy que jusqu’à la recréation de l’université de Strasbourg, où il fut nommé en 1919, peut donc être considéré comme un des principaux fondateurs des études d’archéologie et d’histoire de l’art à Nancy, non seulement pour le monde grec antique, mais également pour l’époque médiévale en France.

Il fut en effet le créateur de plusieurs instruments scientifiques et pédagogiques essentiels dans ce domaine : la bibliothèque d’archéologie et d’histoire de l’art — baptisée « Bibliothèque Louis Couve » en l’honneur de son prédécesseur dont la bibliothèque personnelle servit de point de départ — ; une collection remarquable de photographies (tirages papier et plaques de verre qu’il utilisa grâce à une lanterne magique offerte par la société des Amis de l’université à partir de 1906) ; le musée des moulages, patiemment organisé de 1902 à 1905 ; les collections archéologiques, enfin, essentiellement de céramique grecque et romaine, du séminaire d’archéologie. Bien que le musée des moulages ait été entièrement détruit 2 dans le bombardement allemand du 31 octobre 1918 qui anéantit également la bibliothèque universitaire, les autres outils ont en grande partie survécu et ont continué de se développer depuis, y compris le musée archéologique grâce à divers achats, dons privés et dépôts des musées nationaux.
Lors de la construction du nouveau campus Lettres, des locaux furent aménagés dans le bâtiment A pour la bibliothèque, devenue l’actuelle BUFR d’histoire, d’histoire de l’art et d’archéologie, ainsi que pour les collections du séminaire d’archéologie devenues le musée archéologique de l’université 3 . Une partie du mobilier du séminaire et du musée archéologique, des meubles de valeur, car signés Émile Gallé, fut conservée et répartie entre le nouveau musée, les salles de cours et les bureaux des enseignants 4 tandis que le matériel pédagogique était installé dans un local ad hoc, situé au même étage.

C’est au même étage dans un autre local, à l’origine simple placard à balais, que furent déposées en 1981 une partie des archives scientifiques de Perdrizet, confiées par les héritiers de sa veuve Lucile Perdrizet-Gallé 5 à l’université de Nancy : bien que Paul Perdrizet ait quitté l’université de Nancy en 1919, il était resté nancéien puisqu’il continuait d’avoir pour résidence principale la grande maison familiale des Gallé 6 . Son investissement dans la direction des établissements Gallé rendait aussi nécessaire cette résidence. L’attachement familial et professionnel à Nancy explique donc selon toute vraisemblance, et en attendant des investigations supplémentaires, que l’université, plutôt que celle de Strasbourg, ait été destinataire de ce fonds.

Présentation sommaire du fonds Perdrizet

Une partie des archives Perdrizet
avant leur rangement et inventaire en 2012

Ce sont donc François Thérèse Charpentier, amie personnelle de Lucile Gallé et qui dirigeait par ailleurs la section d’histoire de l’art, Francis Croissant et Yves Grandjean, qui procédèrent à l’installation en catastrophe du fonds dans le local réquisitionné à cet effet 7 . Cette petite pièce aveugle entièrement occupée par des rayonnages et connue depuis sous le nom d’archives ou de fonds Perdrizet tomba, semble-t-il, ensuite dans un demi-oubli et personne ne se soucia d’en inventorier les collections. René Ginouvès ayant entrepris de constituer une nouvelle collection de diapositives pour remplacer les plaques de verre encore utilisées par François Chamoux dans les années 1950, ses successeurs avaient poursuivi son œuvre, en ignorant parfois même jusqu’à l’existence de ces photographies antérieures.
Il fallut attendre 2010 pour que, sous l’impulsion de Catherine Abadie-Reynal, alors professeur d’archéologie classique à Nancy, un premier inventaire, assez sommaire et surtout partiel, soit réalisé 8 : il n’est donc pas exagéré de parler de redécouverte de ces archives à cette occasion.

Concernant les archives proprement dites de Perdrizet, elles comprennent une cinquantaine de cartons contenant :

Le musée archéologique de l’université de Lorraine, lointain descendant de la collection archéologique constituée par Paul Perdrizet. 

Outre les archives de Perdrizet, le local abrite celles de l’Institut d’archéologie classique :

Il s’agit toutefois essentiellement d’une documentation iconographique :

Le programme de recherche du département d’histoire de l’art et d’archéologie et de l’HISCANT-MA

Cet ensemble documentaire présente un intérêt scientifique et historiographique évident, trop longtemps négligé. Le département d’histoire de l’art et d’archéologie a donc entrepris d’étudier les moyens de sa mise en valeur, à l’image de ce qui peut se faire dans d’autres universités pour les collections patrimoniales.

L’objectif principal est de rendre accessibles ces archives à la communauté scientifique, d’en mener une étude systématique d’autant plus importante que Perdrizet fut profondément diminué les dernières années de sa vie et qu’il ne put mener à bien tous les dossiers qu’il avait commencés. Les notices nécrologiques le concernant mentionnent par exemple l’ouvrage projeté avec Henri Seyrig sur les antiquités de la région d’Antioche ou encore une étude sur les perles : les dossiers de travail correspondants figurent bien dans le fonds conservé à Nancy. Sa correspondance scientifique est également d’un grand intérêt, car les lettres (comme les photographies du reste) de cet esprit profondément curieux vont bien au-delà du seul objet de ses études scientifiques et fourmillent d’indications précieuses sur la vie politique, sociale et économique des régions qu’il visitait. Le fonds photographique mérite à lui seul plusieurs études par sa richesse.

Le personnage de Paul Perdrizet n’a finalement qu’assez peu intéressé jusqu’à présent les historiens de l’exploration scientifique du monde antique. L’étude de ce fonds, complétée par d’éventuelles archives supplémentaires conservées à Strasbourg, à l’Institut de France ou encore à l’EfA, devrait permettre de combler cette lacune et de montrer la fécondité de son travail.

[Mis à jour le 07/12/12 grâce aux indications d'Yves Grandjean que je remercie pour son aide.]


(1) Il devait décéder l’année suivante. Un hommage lui fut rendu par l’université de Nancy et c’est Perdrizet qui rédigea sa notice biographique : Perdrizet P., Krantz É., Gasquet A. Louis Couve. [Discours de MM. Pfister, Radet, Gasquet, E. Krantz et notice par M. Perdrizet.]. Nancy : Berger-Levrault, 1901. 28 p.
(2) Il semble néanmoins que quelques pièces aient survécu : selon M. Bulard, le successeur de P. Perdrizet, elles auraient été déposées à l’École des Beaux Arts : Bulard, Marcel. Un vase grec à figures rouges découvert en Lorraine. In Bulletin de Correspondance Hellénique, 70, 1946, p. 42, n. 1.
(3) Contrairement à ce qui avait été envisagé au moment du transfert des moulages survivants à l’École des Beaux arts, selon le témoignage cité de M. Bulard (cf. supra n. 1), rien ne fut prévu pour eux sur le nouveau campus. L’enquête devra déterminer ce qu’ils sont devenus.
(4) La grande vitrine du séminaire prit ainsi place dans la principale salle d’enseignement d’histoire de l’art, la salle A446, où elle se trouve encore, trois autres vitrines dans le musée — cf. illustration ci-contre — et des fauteuils dans le bureau A451. "
(5) Les Perdrizet n’eurent pas de descendance, mais Lucile Perdrizet-Gallé survécut donc à son mari jusqu’en 1981, soit presque vingt ans après le déménagement de l’archéologie dans les locaux du campus Lettres.
(6) Il y avait emménagé après son mariage, en 1906. C’est l’adresse qu’il conserve ensuite jusqu’à sa mort, comme en témoigne sa correspondance.
(7)Je dois ces précisions à Fr. Croissant et Y. Grandjean eux-mêmes que je remercie pour leur aide. Une incertitude demeure toutefois sur la chronologie et l’origine du dépôt des plaques photo. Dans quelle proportion ces plaques viennent-elles de la succession Perdrizet et des archives du département d’histoire de l’art ?
(8)Caroline Nicolay, Archives Perdrizet, inventaire rendu le 03/03/2010, 18 p. Il s’agit d’un simple dénombrement des cartons, dossiers et boîtes de photographies, avec une indication générale du contenu lorsqu’il était accessible ou identifié par une étiquette ou une inscription. Il manque entre dix et vingt cartons à cet inventaire.
(9)Perdrizet P. « L’Incantada de Salonique ». Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot. 1931. Vol. 31, p. 51-90.
(10)Certains sont protégés de belles reliures demi-cuir portant sur la tranche les initiales P. P.
(11)Cf. à ce sujet : Bourlet, Michaël, 2007. Des normaliens dans les services de renseignement du ministère de la guerre (1914-1918). In : Revue historique des armées. 15 juin 2007. n° 247, pp. 31-41.
(12)Ces photographies représentent donc un fonds précieux pour l’étude de l’architecture ecclésiastique byzantine. "