Entre Paris et l'Égypte (1928-1938)
Fouilles de la nécropole de Tounah el-Gebel (?)
L’année 1928 correspond dans la carrière de Paul Perdrizet à la fois à la fin de l’aventure syrienne et au retour en Égypte, après un hiatus de seize ans. C’est à l’invitation de Pierre Lacau, le directeur du service des antiquités d’Égypte, qui lui propose de faire le catalogue des terres cuites du musée du Caire, que Paul Perdrizet doit ce retour. Le fait que Pierre Jouguet — qui avait travaillé le premier sur cette collection — ait justement pris la direction de l’Institut d’archéologie orientale du Caire y est probablement aussi pour beaucoup.
Le dossier des terres cuites gréco-romaines du Caire, entamé avant la première guerre mondiale, traîne néanmoins car Paul Perdrizet entame parallèlement de nouvelles recherches qui le ramènent sur le terrain des études médiévales. Son ami Georges Friedel, président du conseil de l’imprimerie Berger-Levrault et collègue à l’université de Strasbourg, lui confie un livre d’heures parisien du XVe siècle dont l’étude le passionne. Elle le conduit à publier ses deux dernières monographies majeures, consacrées aux calendriers liturgiques, le Calendrier parisien à la fin du Moyen Âge d’après le Bréviaire et les livres d’heures (1933) et une suite, le Calendrier de la Nation d’Allemagne de l’ancienne Université de Paris (1937). Ces deux ouvrages sont en réalité de véritables catalogues de saints, où Paul Perdrizet explique, avec une érudition toujours aussi impressionnante, les particularités hagiographiques et liturgiques des saints vénérés à Paris.
Comme ses contraintes de professeur et d’industriel le retiennent à Strasbourg et Nancy, Paul Perdrizet a recours à un petit réseau de correspondants dévoués pour mener ces recherches : l’abbé Victor Leroquais, grand spécialiste des livres d’heures, et surtout Charles Lesans, professeur de lettres à la retraite et vieil ami du temps de l’Université populaire de Nancy, se chargent d’une grande partie des dépouillements dans les bibliothèques parisiennes.
Paul Perdrizet se libère bientôt de ses charges d’industriel et d’homme d’affaires : la crise économique de 1929 finissant par rattraper l’économie française, il choisit, en accord avec le conseil de famille, de fermer progressivement les Établissements Gallé. La fabrication s’arrête pour l’essentiel en 1931 tandis que les ventes se poursuivent jusqu’en 1936. Les Cristalleries de Nancy font, elles, faillite en 1934. Enfin, à partir de 1935, Paul Perdrizet abandonne l’un après l’autre ses mandats d’administrateur dans les diverses sociétés où il était présent.
Ce n’est probablement pas un hasard si ce retrait des affaires coïncide avec un retour dans la course aux honneurs académiques : élu membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles lettres en 1923, il a en effet attendu longtemps pour poser sa candidature de membre de plein droit, malgré les exhortations de Pierre Jouguet et de Gabriel Millet, parce qu’il ne souhaitait pas faire campagne et s’exposer à un échec. Il finit par s’y résoudre et il est élu, à sa troisième candidature, sur un fauteuil de membre libre non résidant le 16 novembre 1934. L’élection n’allait pas de soi car le franc parler et le caractère difficile de Paul Perdrizet lui avaient valu des inimitiés tenaces au cours des ans : elles l’avaient empêché notamment par deux fois de succéder à Maurice Holleaux, à la direction de l’École française d’Athènes en 1912, puis au Collège de France en 1932.
Malgré les soucis de santé qui se multiplient à partir de 1930, il ne renonce pas aux voyages : il participe à de nombreux congrès internationaux, dont toute la série des congrès d’études byzantines de 1924 à 1938, celui d’Athènes excepté, précisément en raison d’un accident de santé (1930). Il retourne surtout en Égypte à l’invitation de Samir Gabra et de l’université égyptienne du Caire, comme conseiller sur la fouille de la nécropole d’Hermopolis Magna : les trois missions de 1933, 1934 et 1936 sont ses derniers voyages archéologiques. Il profite de celui de 1934 pour visiter une dernière fois la Syrie, en compagnie de Daniel Schlumberger, et pousse une excursion jusqu’aux chantiers de Mari et de Doura Europos sur le Moyen Euphrate. À Hermopolis, il prend en charge l’étude de l’architecture et du décor des tombes monumentales, qui paraît dans une publication posthume de 1941 : Temples et maisons funéraires d'époque gréco-romaine.
Ces derniers séjours égyptiens sont aussi l'occasion de reprendre le dossier du musée du Caire : Paul Perdrizet y consacre ses dernières forces en 1938 et, d'après le témoignage de sa femme, il meurt le 6 juin en estimant avoir terminé sa tâche. Le manuscrit de ce catalogue reste inédit — et sa localisation actuelle inconnue — car les notes du savant nancéien n'étaient compréhensibles que par lui-même.